dimanche 17 mai 2015

L'ARTICLE 230 DU CODE PÉNAL TUNISIEN : UN COMBAT POUR LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE




Suite à un statut publié par la présidente de l'association Tunisienne du soutien aux minorité relatif à la question de l'interdiction de l'homosexualité dans le code pénal tunisien, la réponse d'un internaute m'a particulièrement heurtée.

et je cite:


"il ya le plus important à combattre et lutter pour chez nos debuté, c le droit d'une femme à être voilée en tant que hôtesse de l'aire chez tunisaire" 




Abstraction faite de la syntaxe,  parlons du fond. 


Cet homme pense que c'est plus urgent de permettre à une hôtesse de l'air de se voiler que d'abroger une loi qui punit de 3ans d'emprisonnement quelqu'un qui a décidé de donner son cul ou d'enculer un autre dans le consentement (si ça vous plait tellement de réduire le fait d'être Homosexuel à une histoire de cul). 


je prends ça de deux manières:


1. c'est tout à fait prévisible qu'un Tunisien Type commente ce genre de statut en faisant valoir qu'un combat pour la liberté est plus important qu'un autre. 

parce que le Tunisien Type, dans son autisme démesuré, ne sait pas qu'on peut très bien mener plusieurs combats à la fois. 
parce que lui ,tout simplement, ne mène aucun combat et se permet, dans sa passivité, de décréter ce qui est le plus important. 

2. ce meme tunisien ne sait pas qu'une peine de  privation de liberté pour une pratique consentie et qui relève exclusivement de la vie privée d'un citoyen est bien plus grave que de négocier la façon de se vêtir d'un individu sur son lieu de travail. 

quoique je considère personnellement que cette question de voile n'a pas lieu d'être et qu'en Tunisie, on trouve la voilée comme la non voilée et qu'il faut prévoir un uniforme pour les deux. 

de Manière générale, 

l'abrogation de l'article 230 du code pénal tunisien qui dispose  que :"  La sodomie, si elle ne rentre dans aucun des cas prévus aux articles précédents, est punie de l'emprisonnement pendant trois ans."
est un combat qui doit être mené, non seulement par la communauté #LGBT mais aussi par nous Hétéro. 

pourquoi?

il y a derrière toute sanction un principe qui ne doit pas être violé, et une affirmation du principe derrière toute sanction. 
dans le cas de l'article 230 ,  il convient de se poser la question de savoir quel est le principe qui se cache derrière cet article. 

s'agissant d'abord du choix de l'emplacement  de l'article dans le code pénal:

cet article est venu clore une série d'articles concernant le viol, les agressions sexuelles sur mineurs,  et l'atteinte à la pudeur (une notion particulièrement vague et imprécise). 
l'emplacement n'est pas du tout anodin, puisqu'il est révélateur de deux types de raisonnements qu'a pu avoir le législateur de 1913:

D'abord, le fait de punir la sodomie dans le cadre d'une relation sexuelle qui n'est pas consentie, est tout à fait compréhensible puisque , dans ce cas, ça sera une protection de l'intégrité physique de la personne et c'est l'interprétation première  qu'on retient lorsqu'on ne regarde que l'emplacement de ce texte.


Néanmoins, cette analyse ne tient pas puisque sur le fond, le législateur a tenu à préciser que ce texte est résiduel et qu'il englobe tous les cas de sodomie qui n'ont pas été couverts par les articles précédents. 
Donc à priori, la sodomie serait interdite dans le cadre d'un mariage, hors le cadre du mariage, entre adultes consentants, entre couples Hétérosexuels comme entre couples homosexuels.
 ce qui revient à dire que l'Etat dispose de votre corps, vous dicte les usages que vous pouvez en faire, et les usages qui vous sont interdits. 

l'article 230 vous dit que votre corps ne vous appartient pas, il appartient à l'Etat. 

l'article 230 vous dit que vous n'avez pas de vie privée, et que si vous avez confié à une voisine jalouse que vous adorez être prise par derrière, la police est susceptible de débarquer chez vous pour vous prendre en flagrant délit avec votre mari en train de vous sodomiser, et qu'il est possible que vous écopiez 3ans de prison pour une partie de plaisir. 
l'image est caricaturale, mais elle est parlante. 

l'article 230 ne vous dit pas seulement que votre corps ne vous appartient pas, il vous dit que vous etes mineurs, que vous n'êtes pas aptes à prendre vos propres décisions quant à votre vie sexuelle et qu'il est nécessaire que l'Etat vous protège contre vous meme. 

oui, il vous indique meme la façon dont vous devez aimer votre femme ou votre mari.

Ensuite, il convient de rappeler que cet article ne condamne pas l'homosexualité mais la sodomie, une pratique à laquelle des couples divers s'adonne dans leur intimité et qui ne porte pas atteinte à l'ordre public. 

si le législateur aurait voulu viser l'homosexualité, il aurait du aller plus dans les détails, se familiariser avec les pratiques sexuelles devant un film pornographique et puis interdire le cunnilinghus, la fellation, la position du mercenaire, la 69, et revoir à la loupe le guide du Karma Sutra en triant ce qui relève de l'homosexualité de ce qui ne l'est pas. 

Il reste à la fin la question religieuse qui est toujours présente s'agissant de l'interdiction de l'homosexualité dans les pays musulmans (une question traitée auparavant ici: http://chleghem.blogspot.fr/2015/03/on-ne-veut-pas-savoir-comprendre.html).

En Revanche, la question de l'interdiction de la Sodomie dans la religion, bien qu'elle ne renvoie à tort au village de Sodome du peuple de Lot, a un un fondement tout autre dans la doctrine religieuse puisque les "savants" qui se sont prononcés pour cette interdiction, ont pris pour fondement coranique la AYA "{Vos épouses sont pour vous un champ de labour ; allez à votre champ comme vous le voulez.} [ Sourate 2 – Verset 223
 Or l'interprétation de ce verset diverge d'un érudit à un autre. 
ceux qui prônent l'interdiction de la sodomie pensent qu'à l'image d'un agriculteur qui cultive sa terre, il y met de la semence pour avoir une récolte plus tard, l'homme ne doit pénétrer sa femme que dans un endroit fertile où cette semence pourra inséminer une ovule et donner un enfant. 
Eelon la métaphore interprétée de cette manière, la pénétration anale serait exclue des pratiques sexuels d'un "bon musulman". 

Il convient de rappeler d'abord, qu'un bon musulman ne couche pas avec sa femme que lorsqu'ils veulent avoir un enfant, d'ailleurs, la plus part du temps, leurs ébats sexuels ne donnent pas naissance à un enfant (bien heureusement), et de nos jours, on fait tout pour ne pas procréer à l'occasion d'une partie (exclusivement) de plaisir.

En parlant de procréation, cette interprétation du verset 223 est très réductrice puisqu'elle sous entend que Dieu interdirait les relations sexuelles entre couples stériles. ce qui est, en l'occurrence, absurde. 

Il convient de rappeler ensuite, que tous les tunisiens ne sont pas musulmans, que la liberté de conscience est consacrée dans la constitution et bien qu'on soit tous présumés musulmans (comme si la croyance pouvait être un héritage et non une conviction), cette présomption n'est pas irréfragable et elle a ses limites. 

En prenant ce facteur en considération, le législateur tunisien, s'il s'est inspiré de l'islam pour promulguer l'article 230,  aurait du se soucier de cette partie de la population qui n'est pas du tout musulmane, et qui revendique son droit à vivre son intimité comme elle le souhaite loin des contraintes religieuses. 
il n'est pas non plus inopportun de rappeler à ce meme législateur que la loi est sensée être pour tous et non seulement pour la majorité. 

Pour conclure, l'article 230 ne respecte ni l'intégrité physique du tunisien, ni son aptitude à prendre ses propres décision concernant sa vie PRIVÉE. 

L'article 230 est anticonstitutionnel puisqu'il est une violation grave de la liberté de conscience. 
l'article 230 doit être abrogé puisqu'il est complètement archaïque et cautionne les agressions que subissent les membres de la communauté LGBT. 
et le législateur tunisien doit consulter les avancées de la science (http://chleghem.blogspot.fr/2015/04/lactualite-scientifique-une-mise-au.html)  pour constater que l'orientation sexuelle, et l'identité sexuelle ne sont pas un choix  et que ceux qui sont nés différents des autres ne doivent pas être punis par la loi pour quelque chose qu'ils n'ont pas choisi. 





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