mercredi 4 mai 2016

la Femme Tunisienne: Ni complémentaire ni égale.



Il y a quelques mois, un de mes professeurs avait pris l'exemple de la Tunisie pour dire qu'on est loin d'une harmonisation des législations dans le monde et a affirmé, avec une pointe d'Ironie que les constituants ont pris Trois ans pour décider si la femme était complémentaire à l'homme ou si elle était son égale. 

je me suis abstenue de rebondir meme si la plus part de  mes camarades attendaient une réaction de ma part. 

il convient de préciser à ce stade que les constituants ont pris 3 ans pour voter le projet d'une constitution et non pas 3 ans pour décider si la femme était un etre humain.




Ce que paraissait comme une évidence à mon professeur (Français) et à tous ceux  qui ont été nourris ou matraqués (parfois contre leur gré)  par les écrits de Simone de Beauvoir et les débats au tour de la loi Veil (pour ne citer que ces deux là), n'est pas aussi évident pour les Tunisiens. 
les Tunisiens qui ont tous grandi dans des familles où la vie gravite au tour de la mère... la femme forte, on la connait, elle fait autorité et elle nous accompagne dès notre naissance. 
elle est tellement présente dans notre quotidien qu'on a beaucoup de mal à nous en défaire. 
elle est tellement dominante dans la sphère privée que l'homme n'acquiert que la place qui lui est attribuée . 
C'est comme ça que nous sommes venus à moquer les hommes dans la cuisine, les hommes au foyer, les hommes qui accomplissent "des taches de femme". 

Le corollaire de cette conception est de se dire qu'on n'est femme que si on s'occupe bien de son foyer... 
Ainsi on arrive à exclure l'homme de la sphère privée et la femme de la vie publique. 
INJUSTE. 
Le Tunisien et la Tunisienne vivent en Gynocratie dans leur intimité et font tout pour affirmer une  vision patriarcale dans les lois et les moeurs du pays. une manière de faire exister l'homme quelque part...



Ni complémentaire ni égale. 

Aujourd'hui, le député Mehdi Ben Gharbia  propose au sein de l'assemblée d'instaurer la parité homme-femme dans l'héritage. 
En l'occurence, ce qui posait problème avec l'égalité homme-femme au sein de l'assemblée constituante, c'était bien la question de l'héritage, jusque là régie par le Coran. 

Cette disposition est  l'une des rares règles de Droit sur laquelle le Coran s'est prononcé explicitement en attribuant à l'homme deux fois la part de la femme dans l'héritage. 
on est habitué à ce que le Tunisien exerce son droit de Veto qu'est  "la Religion" pour esquiver le débat et ne pas évoluer sur une question donnée meme si, la meme question fait débat dans la religion et elle n'est pas tranchée. 
Cependant,  la question de l'héritage  est tranchée dans la religion et en établissant la parité homme-femme dans la constitution de 2014, il était prévisible que viendra le jour où il allait falloir harmoniser la loi avec le texte supreme. 

Deux ans après l'entrée en vigueur de la constitution Tunisienne, le constat est sans appel: la parité a beau etre affirmée dans le texte, elle est loin d'etre effective.
la question divise et divisera encore jusqu'à ce que l'assemblée des représentants du peuple ou la  cour constitutionnelle (qui ne siège pas encore) se saisissent de la question. 
il y a plein de lois manifestement anti-constitutionnelles en Tunisie , et croire que la question identitaire et les questions sociétales ont été tranchées en 2014 est illusoire. 
parfois le Droit est précurseur, il fait évoluer la société et produit des mutations profondes dans sa manière de fonctionner, on peut citer à titre d'exemple le code du statut personnel de 1956, néanmoins, le Droit a ses limites et parfois légiférer ne résout pas tout.

la question de la parité semble faire face à un mur; ce mur n'est pas seulement nourri par la religion, il est nourri par un mode de vie qui oriente nos convictions dans le mauvais sens. 
plusieurs justifient l'absence de parité dans l'héritage par le fait que seul l'homme est tenu de soutenir sa femme et ses enfants au regard de la loi. 
ceux là n'ont pas encore compris que lorsque cette parité sera effective, la femme aura des obligations au regard de son partenaire aussi, l'homme aura le droit de rester à la maison et la femme d'etre le gagne-pain de sa famille, l'homme aussi aura le droit d'un congé de paternité, l'homme aussi aura le droit à des moments de faiblesse... cela parait in-envisageable pour la majorité de la société tunisienne qui a du mal à concevoir que l'homme  est un etre sensible tout autant que la femme , que la femme est un etre  tout aussi capable que l'homme et que tous  deux sont des etres qui éprouvent les memes souffrances , subissent les memes frustrations et doivent avoir accès aux memes droits.  

jeudi 10 mars 2016

LE TROISIEME SEXE



"on ne nait pas femme, on le devient", écrit Simone de Beauvoir.

Personnellement, le jour de ma naissance, on m'a attribuée à la gente féminine sans me demander mon avis.

le deuxième sexe, c'était moi et pourtant, il fallait qu'on m'inculque comment etre femme et qu'on me rappelle à chaque fois que j'étais la complémentaire, la subsidiaire, l'accessoire, celle qui ne venait jamais en premier, celle qui n'était là que pour appuyer l'existence de l'autre.

j'étais femme, et pourtant, on devait me dire comment l'etre.
Moi, la fille, la soeur, l'amie, la mère, l'épouse, l'amante, la douce, la bonne, la belle, la généreuse, l'attentionnée, l'aimante, la forte, la douce encore une fois...

Naitre femme ne suffit pas, il faut remplir ses fonctions, remplir les conditions, aimer le rose, sentir bon, ne pas crier! ne pas souffrir du syndrome du poil, ni des yeux cernés, ni des cheveux en vrac.
il ne suffit pas d'etre femme, il faut en apporter la preuve, il faut etre "féminine"!

Pire que d'etre femme, c'est d'etre femme et ne pas remplir les conditions pour accéder à ce statut.
Dans ce cas là, vous etes une espèce autre, qui suscite incompréhension et indignation.
J'aime le bleu, je n'aime pas les jupes, je préfère les voitures aux barbies, je ne mets pas de boucles d'oreilles, j'ai les cheveux courts, j'ai quelques poils sur les bras et je n'aime pas qu'on s'adresse à ma poitrine quand on s'adresse à moi.

quand j'étais enfant, on me disait "garçon manqué", la vérité c'est que j'étais libre.
je ne rentrais pas dans les cases, et je n'étais pas inquiète.

Mes amis de la gente masculine n'avaient pas non plus le droit à l'erreur, il leur est strictement interdit de pleurer, de se sentir vulnérable, de porter le rose, de jouer au poupée, de montrer de l'affection à l'égard de leurs amis hommes, de devenir sage-femme, de porter les cheveux longs, d'etre homme au foyer....
il fallait qu'ils apportent la preuve de leur virilité, de leur force, de leur supériorité, de leur suprematie.

Etre ou ne pas etre, telle n'est plus la question! il ne suffit plus d'etre mais de paraitre et de se soumettre aux règles d'une société tantot misogyne, tantot misandre, et puis s'accroupir, s'applatir et subir.
on a essayé de changer les choses, de protéger une minorité qui n'en est pas une, d'établir la sacro-sainte parité.

La discrimination positive! quelle idée ingénieuse qui consiste à sur-glorifier la femme, à vanter son role de génitrice, à la mettre en tete de liste non pas parce qu'elle est compétente mais parce qu'elle est femme, de la nommer dans les catégories féminines aux Oscars, de lui dire qu'elle est belle parce qu'elle est femme, qu'elle est tendre parce qu'elle est femme, qu'elle est forte parce qu'elle est femme. Réducteur!
Parfois meme , on s'amuse à dénigrer l'homme, à lui attribuer tous les vices de la race humaine tellement on est persuadé que pour aboutir à l'égalité, il faut déchoir l'homme de son trone, parce qu'il est trop bien, et la femme pas assez.
une manière antinomique de lutter pour une cause juste avec les mauvais moyens.

Aujourd'hui, se dire féministe suscite méfiance et indignation.
Les dérives de certaines pratiques font que le féminisme n'est plus considéré comme un moyen pour aboutir à un équilibre mais une façon d'imposer la domination d'un sexe sur l'autre.
une manière biaisée de lutter pour la parité...


Par ailleurs, si le Ying et le Yang est désillusion , le discrédit de la lutte féministe a donné naissance à la théorie du genre, le refuge de ceux qui se veulent neutres, qui ne rentrent pas dans les cases, qui ne s'identifient ni au premier, ni au deuxième sexe, mais plutot à l'humain que nous sommes.