mercredi 15 juillet 2015

Réponse à MOUNA NOUREDDINE: quand un métier devient une insulte





Depuis quelques jours, un "clash" sur un dit ou un entendu fait polémique entre deux personnes qu'on attribue au milieu artistique à savoir Mouna Noureddine et Mariem ben Mami. 

L'une a "osé" critiquer la performance de l'autre, et il s'en est suivi des propos maladroits. 

 "c'est la faute à Sami el Fehri, il aurait du la laisser dans sa boutique de chaussures". 
telle était la réponse de Mouna Noureddine sur Mosaique FM.

Il y a une chose  à signaler à l'occasion de cet incident:
la manière dont on dénigre une personne à cause de son métier. 
Etre vendeuse, serveuse, femme de ménage, danseuse, éboueur, coiffeur, louagiste etc... est devenu une sorte de condamnation, une insulte, un outrage à l'ordre des métiers "'prestigieux " qu'on a le droit d'exercer, et un consentement tacite, une autorisation octroyée à son entourage pour qu'il nous rabaisse, nous met à la marge. 

A l'occasion d'un diner, des amis à mes parents ont ramené leur enfant de 5 ans, un adorable petit garçon que j'observe avec admiration, calme, bien élevé, qui se tient bien à table et qui a une belle particularité, il sait très bien ce qu'il veut, et contrairement aux autres enfants, il n'a pas de réserves, il me demande de le servir avec beaucoup de précision, et il insiste sur les verdures, les quantités etc...

avec beaucoup d'admiration, je décrète qu'il sera "chef-cuisinier".
ma mère fait les yeux ronds et essaie de rattraper le coup.
comme moi-même j'aspirais à être chef-patissier pendant un bref moment de mon adolescence, je ne pensais pas du tout que voir les prémices d'un grand "chef " dans un enfant de cinq ans aurait pu être compris comme une insulte. 
alors pour réconforter ma mère dans son malaise, j'ai du expliquer que le métier de chef-cuisinier est un métier Noble qui n'a rien à envier aux autres métiers "prestigieux" selon la vision restrictive de certaines personnes, qu'il demande précision et créativité, et que cet enfant a une passion pour les saveurs, et qu'à son âge, c'est assez rare. 

si je partage avec vous cette anecdote, c'est que j'ai été autant troublé par la réaction de ma mère, qu'avec la réaction de Mouna Noureddine.
je fais notamment remarquer qu'entre Mouna Noureddine et ma mère, il y a bien une génération. 
si les mentalités n'ont pas changé depuis, ils ne sont pas prêtes de changer aujourd'hui; 

on n'hésite pas à hiérarchiser les métiers:
entre métiers manuels et "intellectuels", comme si en usant de ses mains, ce n'est pas une activité cérébrale qui était stimulée.
entre les métiers qui paient le moins et les métiers qui paient le plus, parce que notre société est bien capitaliste. 
entre les gens qui s'enrichissent trop vites ("nouveaux riches"/ "arrivistes "etc...), et les gens qui ont du mal à joindre les deux bouts ("ceux là sont les gens les plus honnêtes" dirons-nous).
entre les métiers "décents", et les métiers "immoraux". 

le phénomène commence bien plutôt:
Au lycée, lorsqu'il arrive le temps de faire notre orientation.
ceux qui font les branches scientifiques sont les plus brillants, oui, meme s'ils ont leur bac avec 4 de moyenne en Math, ils sont les "plus brillants" parce qu'ils sont "bac-math". 
les autres, ceux qui font économie, sport, lettre, ceux là sont classés au plus bas de l' échelle .
Mais non, pas vraiment, parce qu'il y a toujours des gens qu'on plaint plus que soi, ceux qui ont quitté l'école et qui font une formation professionnelle. 
A dieu les lycées techniques de Bourghuiba! vous savez,  ces petits établissements qui nous faisaient sortir des techniciens compétents à qui vous pouvez confier une installation sans qu'on vous fait griller toute l'électricité de la maison. 

meme pour le choix de la 4ème langue, on hiérarchise: ceux qui font Allemand sont les plus brillants, ceux qui font espagnol sont moins bien mais pas autant que ceux qui font Italien, Russe, Chinois etc... ces marginaux, ces rebelles, ces gauches, balourds!

Aujourd'hui on préfère forcer un enfant à faire "un bac +20" pour le "prestige" au lieu d'un BTS qui est plus adapté à son projet professionnel. 
on préfère que notre enfant soit "MEDECIN" que "Chef cuisinier". 
on préfère être "Actrice" que "vendeuse de chaussures".

Toutes ces classifications qui font de nous le bouc émissaire de l'autre, la personne qu'on désapprouve, qui n'est jamais assez à notre gout, qu'on a le droit, voire le devoir de dégrader, d'humilier, de mortifier. 
et pourtant, c'est bien dans cette différence qu'on construit un monde, que les uns sont au service des autres, que les autres font le plaisir des uns.
il n'y a pas un critère qui définit le métier idéal, c'est aussi subjectif que le choix de sa couleur préférée, et il est quand meme déroutant de tirer ce constat aujourd'hui, de voir qu'un artiste, une école dans le théâtre tunisien, puisse émettre un jugement de valeur aussi méprisant. 

mercredi 8 juillet 2015

COMMENT LE LEGISLATEUR TUNISIEN A TRANSFORME L'ENFANT NATUREL EN BATARD (weld Hram)

Dans l'actualité des feuilletons ramadanesques (confère WLED MOUFIDA et LILET CHAK), voilà qu'on traite un enfant né en dehors des liens sacrés du mariage de batard/ Weld Hram. 


En effet, dans l'esprit du Tunisien, ce n'est pas du tout choquant de faire une différenciation  entre les enfants légitimes et les enfants naturels en faisant de leur existence une abérration, une honte, un péché, en leur faisant porter le stigma d'être nés d'une union illégale, d'une "faute" dirait l'un, de "l'adultère" dirait l'autre. 

Il suffit de revenir sur la définition religieuse et la définition légale du mariage pour se rendre compte que dans l'esprit du Tunisien, il existe une confusion totale entre les deux unions et que c'est de là que vient le mal. 
Oui, le mal de faire porter à l'enfant  la conduite de ses parents.
 la "conduite" et pas la "faute" parce qu'il ne nous importe pas de dire que c'est une erreur, que c'est un accident, que c'est un péché. 
Nous n'avons pas le droit d'accuser, de prêcher, de donner la leçon, de porter un jugement moral sur l'union de deux êtres. 
En Effet, parce que ces deux êtres peuvent ne pas partager vos convictions, vos croyances, votre religion et que leur enfant a le droit de vivre, indépendamment de vos convictions, de vos croyances ou de la religion de ses parents.

Cette confusion, elle vient souvent de notre ignorance de ce qu'est le mariage religieux. 
Dans le coran, on ne parle nul part de mariage (A-ZZAWEJ), on trouve le terme "Paire" (ZAWJ) et de (NIKAH)  qu'on comprend ,à tort aujourd'hui  et pour une raison que j'ignore, par "acte sexuel) et des femmes 'engagées' (A-NNISA' Al-Mouhassanet). 

Dans la tradition musulmane, le mariage est solennel et doit répondre à trois conditions, dont deux sont encore débattues et parfois tombées en désuétude  dans un certain nombre de pays dits musulmans. 
Ces trois conditions sont les suivantes: 
-les deux témoins
-le consentement du parent de la femme
-la dot

On retrouve en Droit tunisien, comme dans la plus part des Droits positifs la condition de la publicité, qui reste primordiale et essentielle dans la plus part des cultures. 

S'agissant de la dot, la tradition n'avait pas précisé la somme due à la mariée, et en Droit tunisien, il est très fréquent que la somme donnée soit symbolique. 

S'agissant du consentement du parent de la femme, ce critère est toujours en vigueur dans un certain nombre de pays comme l'Arabie Saoudite où la femme est toujours perçue comme mineur et incapable. En Droit tunisien, c'est le consentement de la femme elle-meme qui est requis. 
 C'est un critère dont la prise en compte varie selon les écoles islamiques et les exégètes. 
L'acte sexuel/ AL NIKAH étant la consommation du mariage. 


Cependant, il s'agit de souligner le fait que, malgré les débats houleux au tour de cette question, les érudits,savants, exégètes s'accordent sur la condition de la publicité, les deux témoins. 

Si on suit cette logique, on se posera la question suivante:
combien de couples en Tunisie, se fréquentent-ils à la vue et au su de tous, s'engagent t-ils à être exclusifs les uns aux autres.
Combien de couples que nous connaissons, loin d'avoir lié leur destin par un contrat de mariage, ont consenti à être liés les uns aux autres, et que nous, leur entourage, les savons engagés?
Selon cette logique, qui n'est pas du tout mienne puisque je ne fais que rapporter les propos de certains penseurs et exégètes, la relation entre homme et femme est parfaitement Halal du moment où cette condition de publicité est remplie. 

Il convient notamment de rappeler que comme l'objet de cet article n'est pas le mariage mais plutôt la condition de l'enfant né hors mariage en Tunisie, on laissera au lecteur intéressé la liberté de consulter l'ouvrage de "Olfa Youssef-hayrat moslma" qui traite d'une manière plus approfondie de la question du mariage  dans l'islam pour apporter plus de précisions à ces propos. 

Le mariage religieux, connu sous le nom du "ZAWAJ AL-OURFI" en Tunisie est parfaitement Halal, mais totalement illégal depuis la création du Code du Statut personnel. 
Du moment où on comprend la différence entre le mariage religieux et le mariage légal, il n'est pas inopportun de rappeler qu'un enfant né d'un mariage religieux sera un enfant illégitime devant la loi, et un "batard"/Weld Hram, dans la société. 
Ceci étant, il convient de rappeler que toute union libre n'est pas forcément une union religieuse mais tout enfant issu d'une union libre sera baptisé "Weld Hram". 
qu'est ce que le "Hram"?
Une notion à connotation religieuse, qui porte dans ses entrailles un discours, une morale, une croyance, une interprétation.
Cependant, un enfant né hors mariage est un enfant biologique, un enfant naturel, UN ENFANT tout-court !

Il convient de rappeler ici que le législateur tunisien avait octroyé des droits indifférenciés aux enfants légitimes et aux enfants illégitimes, sauf pour la question de l'héritage qui reste toujours irrésolue. 
Autrement dit, ce législateur vient vous dire qu'il existe des enfants que vous avez le droit d'avoir et des enfants que vous n'avez pas le droit d'avoir, et que s'il vous arrive d'avoir des enfants que vous ne devez pas avoir, ce n'est pas vous qui répondrez de votre irrespect de la loi, mais votre enfant. 
Oui, votre enfant, cet enfant de trois ou quatre mois qui a hérité de votre ADN mais à qui on refuse d'hériter de votre argent... 
quoi?...je ne vous entends pas...!... "Interet supérieur de l'enfant" me dites vous?, mais ce n'est pas un enfant que nous avons là, c'est un B-A-T-A-R-D! un accident! un péché! un SNOW! 

Ah mais non, pas un SNOW! parce qu'en effet, le législateur tunisien avait octroyé à cet enfant le droit de faire une action en recherche de paternité, de porter le nom de son père biologique s'il s'avère suite à un test ADN qu'il est bien son fils. 

Oui le législateur tunisien avait tout fait pour faire prévaloir ce fameux "intérêt supérieur de l'enfant", sauf qu'il n'est pas allé jusqu'au bout de sa logique. 
comment protège-t-on un enfant en permettant à la société de lui dire qu'il est le fruit du HRAM?
comment protège-t-on un enfant en le privant de son héritage alors qu'on veut affirmer qu'il n'existe pas de différence entre enfant légitime et enfant naturel?

Ce "Weld Hram", né d'une mère "pute" et d'un père 'RAJEL", est condamné à vivre au centre du mépris et des accusations, et à la marge du correcte et du convenu. 
avec l'assentiment du législateur tunisien, Sponsorisé par le peuple tunisien. 
un peuple si tolérant et illuminé.